"FIGARO-CI , BEAUMARCHAIS-LÀ"
de etavecGERARD LINSOLAS
14h.25 (jours impairs)
De Beaumarchais, bien souvent, on ne connaît que l’auteur de théâtre. Et encore ! « La mère coupable » qui clôt la trilogie avec « le barbier de Séville » et « le mariage de Figaro » est très rarement jouée, de même que son opéra « Tarare ». Qui connaît ses drames bourgeois ou son théâtre de société aujourd’hui disparus ? Celui qui est à l’origine de l’organisation des droits d’auteur et de la SACD fut également homme d’affaires, espion, inventeur, agioteur, trafiquant d’armes, éditeur, courtisan et libertin. Ce qui lui valu beaucoup d’inimitiés et beaucoup de procès. Sa vie est un écheveau où tout s’entremêle et quel que soit le fil que l’on tire, il entraîne le reste en cascade. Rien n’est simple avec Beaumarchais. Il n’est jamais tout à fait ce que l’on croît qu’il est, ni tout à fait ce qu’il voudrait être. Il a ses détracteurs et ses partisans même encore aujourd’hui. Aussi ce spectacle ne prétend pas être une exégèse de la vie de Beaumarchais. Il est le prétexte, en évoquant certains épisodes de sa vie, à faire découvrir les multiples facettes d’un homme. Lui qui incarne dans l’inconscient collectif à travers Figaro, mais à son corps défendant, l’esprit de la Révolution française alors qu’il ne cherchait qu’à améliorer sa condition et accéder à un rang que sa naissance ne lui avait pas donné.
Je propose un portrait qui doit permettre au spectateur de comprendre que la vie de l’homme est indissociable de son œuvre. Et que sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur.
Un homme multiple Beaumarchais est, comme son Figaro, un personnage de théâtre.
Mais plus complexe encore, car on ne sait par quel bout l’attraper, tant il eut de personnalités.
L’écriture de comédies (et de pièces sérieuses) ne fut qu’une rivière dans son activité fluviale
qui additionnait l’horlogerie, le commerce, la diplomatie et toutes
sortes d’entregents politiques, lobbyistes, amicaux et sexuels
(voir l’excellente biographie de notre ami Christian Wasselin, en Folio, dont nous avons rendu compte à sa parution, en 2015).
Alors comment le figurer et lui donner vie sur scène ?
Tout simplement en ayant un vrai regard sur cette mosaïque de personnages réunis en un seul homme
et en le faisant se conter, ou se compter, à la fin de sa vie, dans son bureau.
C’est le parti de Gérard Linsolas qui, pour cette tâche, cumule les rôles d’auteur et d’acteur.
Très finement, il tire les fils et les croise, traçant le portrait d’un activiste à l’heure du bilan et de l’âge mûr.
Ce Beaumarchais, tout en se souvenant de la création de ses pièces et du personnage de Figaro,
s’est replié dans la douceur, une fausse sagesse et un amour souriant de la vie qui s’en va.
En fait, Linsolas fait à la fois revivre Beaumarchais et le faire parler dans le prisme de la postérité.
Non, il n’était pas le révolutionnaire qu’on présente aujourd’hui.
Il a dénoncé les profiteurs et raillé les nobles. Mais il ne rêvait pas de changer le système politique.
Et il souffrit d’ailleurs des événements de 1789.
La mise en scène de Sylvie Deschamps est feutrée, développe à petites touches ce moment de profonde confidence.
L’interprétation de Gérard Linsolas fait miroiter subtilement les différentes facettes du personnage.
C’est un Beaumarchais très humain dont la malice est grande
(ah ! ces procès qu’il gagnait avec son brio contre ses détracteurs et ses ennemis ! )
mais dont la pâte sensible est d’une vraie richesse. Linsolas opère une très belle incarnation.
Figaro-ci, Beaumarchais-là de
Gérard Linsolas, mise en scène de Sylvie Deschamps, costume de
Christelle Bourassier, éclairage de Luc Rosier, avec Gérard Linsolas.